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Ministère des Finances et du Budget

Diop Decroix : «Il y a à craindre pour…»

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Secrétaire général du parti Aj/Pads et membre de la coalition Wallu Sénégal, Mamadou Diop Decroix décrypte, dans cet entretien, les investitures aux élections locales et les difficultés rencontrées par les différentes coalitions. Comme à son habitude, le député ne mâche pas ses mots.

Les coalitions en lice pour les élections locales du 2 janvier 2022 ont effectué leurs investitures dans la difficulté. A votre avis, qu’est-ce qui explique cela ?
Beaucoup veulent être maires et il est difficile de dégager des critères objectifs et justes pour départager. Le fait est que les règles de fonctionnement des partis sont rarement respectées pour permettre aux plus méritants d’être promus. Si les coalitions viennent s’y ajouter, les opportunités pour se hisser à la première place se rétrécissent pour les uns et les autres. Je pense que ce sont là quelques raisons majeures qui expliquent, entre autres, les difficultés qui ont jalonné les investitures.

Des listes parallèles ont été relevées, du côté du pouvoir comme de l’opposition. Pour vous, qu’est-ce que cela dénote et augure pour les élections à venir ?

Les listes parallèles sont l’expression d’ambitions de ceux et celles qui s’estiment lésés et ont les moyens financiers de payer la caution et d’aller à la conquête des suffrages. De toute façon, le vote en janvier se fera autour de noms et non autour des programmes. Hélas ! Sur le plan politique et programmatique, ce sera davantage la cacophonie qu’autre chose. Mais il en sortira aussi, de la part des porteurs de vision, des idées intéressantes pour l’avenir du pouvoir local. Je dis bien pour l’avenir, car je considère que l’acte 3 de la décentralisation et la culture politique dominante ne peuvent aucunement permettre d’espérer des miracles au lendemain du scrutin de janvier 2022. Ça, c’est dans le meilleur des cas car, avec la façon dont le ton monte, il y a à craindre pour la paix et la sécurité.

Vous êtes membre de Wallu Sénégal, mais votre parti, Aj/Pads, a déposé une caution, pourquoi ?
Le plus simple est de marcher sur nos deux jambes : partout où un consensus s’est dégagé dans la coalition, nous endossons le consensus et partout où un consensus n’a pu être trouvé nous mettons nos propres listes. Cela a le mérite d’économiser les empoignades inutiles, tout en évitant les frustrations qui, souvent, dévastent les militants à la base.

Selon vous, est-ce que les coalitions créées pour ces Locales tiendront jusque-là ?
Encore une fois, le visage des coalitions au sommet est souvent très éloigné de ce qui se passe à la base. Attendez la publication des listes et que les langues commencent à se délier. Vous verrez que ces élections locales sortent littéralement des catégories d’analyse traditionnelles. Nous en reparlerons.

Après le dépôt des listes, plusieurs ont été rejetées pour diverses raisons, comment analysez-vous cette situation ?
Les procédures sont trop lourdes et le pouvoir de l’administration territoriale exorbitant. Lorsqu’un préfet ou sous-préfet fait preuve de compréhension, il n’y a pas, en général, de problèmes, mais quand c’est l’inverse, bonjour les dégâts. Dans cette affaire, les accusations selon lesquelles de nombreuses autorités administratives territoriales n’ont pas l’esprit républicain se vérifient. Il n’est pas concevable qu’avec des procédures aussi lourdes, il y ait, d’une part, une hécatombe chez l’opposition et presque 0 faute pour les listes du pouvoir, sauf si, pour les gens du pouvoir, la consigne a été de ne pas communiquer sur les rejets. Mais si le sentiment dominant se vérifie, cela correspondra à de la provocation inutile. En ce qui nous concerne, plusieurs dizaines de nos listes sont éliminées. Certaines, au regard de la loi, méritaient d’être éliminées (lourdeur des procédures et inexpérience), mais d’autres ont été éliminées pour des raisons qui ne tiennent pas la route. Lorsqu’avec la fatigue et la coupure de courant qui a enveloppé tout le pays le dernier jour de dépôt des listes, on vous notifie un rejet au motif de non-respect de la parité sur la liste proportionnelle des suppléants, parce que vous avez mentionné deux noms du même sexe qui se suivent, il y a problème. Nous avons formulé des recours pour contester ce type de rejet au motif qu’il ne s’agit que d’une erreur matérielle intervenue sous l’emprise de la fatigue. Tous les éléments du dossier de candidature sont au complet et vérifiables. Le nombre de déclarations individuelles de candidature et le nombre de pièces d’identité respectent bien la parité. Dans certaines localités, les autorités administratives vous demandent juste de corriger l’erreur matérielle et c’est tout. Mais dans d’autres, ces autorités sont allées jusqu’à éliminer des listes pour cette raison fallacieuse. C’est proprement inadmissible. Nous osons espérer que les cours d’appel devant lesquelles seront déférées ces affaires donneront raison aux candidats. Certaines de nos listes ont aussi été éliminées par défaut de clés Usb, alors que nos candidats avaient leurs clés, mais n’ont pas pu les remplir à temps, faute d’électricité. Il ne faut pas oublier la particularité de ces élections où les gens négocient jusqu’à la 24e heure. C’est pour répondre à ceux qui, manifestement, ne s’y connaissent pas et qui disent pourquoi ils n’ont pas terminé le travail très tôt. C’est cela qui est souhaitable, mais ce sont des logiques politiques qui gouvernent le processus.
Est-ce que cela n’est pas dû à un manque de préparation chez certains ?
Bon sang ! Pourquoi avons-nous besoin de spécialistes pour confectionner une liste de candidats ? Pourquoi devons-nous parcourir une véritable piste du combattant pour déposer une simple liste de candidats ? Demander au mandataire de Fongolimbi de remettre une clé Usb, alors qu’il n’a même pas d’ordinateur pour faire le travail et que pour photocopier, il lui faut aller jusqu’à Kédougou, est-ce simplifier l’exercice de ce droit constitutionnel qui est de solliciter, à intervalles réguliers, le suffrage de ses compatriotes ? Tout cela participe des reliques du parti unique, des procédures héritées de l’esprit du parti unique, de la culture du parti unique. Quand on pense s’en être débarrassé, on commet une grave erreur. On le voit avec cette question de listes. Pour ceux qui gouvernent, tout est permis, tandis que rien n’est autorisé à ceux qui s’opposent. Voyez ce qui s’est passé dans une commune de Tamba :  notre mandataire s’est vu autorisé par l’adjoint au sous-préfet qui officiait (le sous-préfet étant alité) d’aller remplir sa clé et de revenir déposer. Au retour au petit matin, le sous-préfet qu’il trouve sur place lui signifie que sa liste est rejetée. Mais, comme le prévoit la loi, le mandataire réclame une notification du rejet pour pouvoir attaquer la décision devant la cour d’appel. Le sous-préfet la lui refuse. L’adjoint à qui il impute la situation, refuse, à son tour, de délivrer une notification de rejet, soutenant que pour lui, la liste ne doit pas être rejetée. Figurez-vous qu’avec cette valse entre les 2 autorités qui ont failli en venir aux mains devant notre mandataire, notre liste a été rejetée, sans que nous ayons la possibilité de formuler un recours, parce que nous ne disposons pas du document nécessaire pour cela. Voilà une situation de non-droit où vous êtes rejeté et vous n’avez aucune possibilité que justice vous soit rendue. En somme, c’est toute la loi électorale qui devra être radicalement modifiée pour simplifier et alléger les procédures, les rendre transparentes, honnêtes et adaptées aux réalités du terrain.

Pensez-vous que les recours déposés auront des réponses favorables ?
Je l’espère parce que sinon, il y aura un sentiment d’iniquité qui sera largement partagé. Je ne dis pas que tous les recours sont forcément fondés, mais beaucoup le sont.

Au vu de la situation actuelle, ne va-t-on pas vers une élection dangereuse ou alors un climat social encore plus tendu ?
Franchement, notre peuple n’a pas besoin d’une élection dangereuse ni d’un climat social tendu. L’État qui a le devoir régalien d’assurer l’ordre et la sécurité du pays, doit créer les conditions de cette sécurité et de cet ordre, en faisant respecter les droits des gens. Ensuite, l’État, c’est l’administration territoriale, mais c’est aussi la Justice. Si l’administration territoriale faillit, la Justice devrait permettre de rectifier et de corriger. En attendant que le Code électoral soit fondamentalement revisité.

L’Observateur

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